Pertes d'exploitation d'un restaurant dues au Covid-19 : AXA condamnée en appel
Le feuilleton judiciaire relatif à la couverture des pertes d’exploitation des restaurateurs ayant un contrat d’assurance auprès d’AXA prend une tournure favorable aux assurés.
Rappelons que de nombreux contrats multirisques professionnels AXA garantissent les pertes d’exploitation des restaurants subissant les conséquences d’une fermeture administrative totale ou partielle en raison de l’existence d’une épidémie.
Toutefois, pour refuser la mobilisation de la garantie dans le cas de l’épidémie de COVID-19, AXA opposait systématiquement la clause d’exclusion de garantie prévue au contrat selon laquelle sont exclues de toute garantie :
« les pertes d’exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique.»
La clause litigieuse figurant au sein du contrat AXA visait donc à exclure toute indemnisation des pertes d’exploitation subies par un établissement assuré dès lors qu’un autre établissement du même département subissait la même fermeture administrative pour la même cause.
Par arrêt en date du 25 février 2021, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a déclaré cette clause non valable et confirmé le jugement du Tribunal de Commerce de Marseille du 15 octobre 2020 en ce qu’il avait réputé non écrite la clause d’exclusion de garantie.
En effet, la Cour considère que la clause du contrat AXA est contraire à l’article L. 113-1 du code des assurances - qui ne reconnaît de validité qu’aux clauses d’exclusion de garantie formelles et limitées - dans la mesure où « l’exclusion ainsi définie n’est nullement limitée puisqu’elle vise :
- tout autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité,
- faisant l’objet d’une fermeture administrative pour une cause identique,
- sur un territoire particulièrement vaste, puisque dépassant le simple cadre d’un village ou d’une ville. »
Cette interprétation est conforme à la jurisprudence qui subordonne la validité des exclusions conventionnelles de risques à leur caractère formel et limité (Cass. 1re civ., 23 juin 1987, n° 85-17.010) et retient que l'exclusion n’est pas limitée dès lors qu’elle revient pour l'assureur à vider la garantie de sa substance (Cass. 2e civ., 19 nov. 2009, n° 08-14.300).
Sur le fondement de l’article L. 113-1 du code des assurances mais également des articles 1170 et 1171 du Code civil, la Cour d’appel a retenu que « l’application pure et simple de cette clause d’exclusion aboutirait donc à ne pas garantir l’assuré des pertes d’exploitation subies en raison de la fermeture administrative de son restaurant pour épidémie de coronavirus, et donc, à priver de sa substance l’obligation essentielle de garantie ».
AXA n’a pas réussi à convaincre les juges du fond qu’une épidémie pouvait ne toucher qu’un seul établissement d’un même département et n’entraîner que sa seule fermeture administrative.
Il est vrai que, par définition, une épidémie se développe nécessairement sur un périmètre géographique étendu de sorte que la clause d’exclusion de garantie prévue au contrat rendait impossible la mobilisation de la garantie des pertes d’exploitation.
La clause d’exclusion faisant échec à une obligation essentielle de garantie, il en résultait qu’elle n’était pas limitée et donc illégale.
La Cour d’appel en a conclu que la clause litigieuse devait être réputée non écrite, ce qui ouvre la voie à l’indemnisation de l’assuré au titre de ses pertes d’exploitation résultant de l’épidémie de COVID-19.
Plus largement, cette jurisprudence, sauf à ce qu'elle soit contredite par la Cour de cassation, est susceptible de bénéficier à de nombreux assurés qui pourraient également être indemnisés de leurs pertes d’exploitations.
Cour d’appel d’Aix-en-Provence, arrêt du 25 février 2021, n° 20/10357