Sanction de l’ACPR à l’encontre d’un courtier d’assurance pour manquement à ses obligations d’information et de conseil.
Le 28 février 2020, la commission des sanctions de l’ACPR a rendu une décision à l’encontre du courtier VIVA CONSEIL pour manquement à ses obligations d’information et de conseil.
Si cette décision s’inscrit sans surprises ni nouveautés dans la lignée des décisions « SGP » et « PROVITALIA », elle est l’occasion de rappeler les principes souvent mal compris qui encadrent la vente de contrats d’assurance par démarchage téléphonique.
Voici en résumé le modus operandi utilisé par VIVA CONSEIL lors de la vente desdits contrats :
- la vente s’opérait exclusivement au moyen d’appels téléphoniques sortants effectués depuis sa plateforme marocaine (le terme « sortants » signifie que les appels provenaient de la plateforme téléphonique vers les prospects : il s’agissait donc de démarchage téléphonique) ;
- le téléopérateur était chargé de collecter auprès du client les informations nécessaires à la vente (date de naissance, régime social, profession, coordonnées postales, téléphoniques et bancaires, choix de la formule, modalités de règlement, clause bénéficiaires) qu’il saisissait dans l’outil extranet mis à sa disposition en vue d’adresser par courriel au client, avant la souscription, un devis et une fiche d’information et de conseil ;
- cet outil générait un code, adressé par SMS ou par messagerie vocale au client qui le communiquait par téléphone au téléopérateur et la saisie de ce code dans l’outil de souscription par le téléopérateur permettait de signer électroniquement le contrat et, en principe, de générer l’envoi par mail au client des documents de souscription signés.
Sur le papier, l’organisation et les process mis en place par le courtier paraissaient conformes à la réglementation.
Rappelons que dans un tel cas, le courtier doit prévoir dans son processus de souscription la fourniture par écrit, en temps utile et avant toute conclusion du contrat, des informations précontractuelles prévues aux articles L. 112-2-1 III, L.521-2 et R.112-4 du Code des assurances relatives notamment à l’identification du fournisseur et du courtier, aux principales dispositions contractuelles, ainsi que celles résultant du devoir de conseil du courtier.
VIVA CONSEIL avait ainsi intégré qu’agissant dans le cadre d’un démarchage téléphonique, elle ne pouvait pas bénéficier de la dérogation prévue à l’article R.521-2 du Code des assurances selon laquelle « lorsque le contrat d'assurance a été conclu à la demande du souscripteur ou de l'adhérent en utilisant une technique à distance ne permettant pas la transmission des informations sur support papier ou sur un autre support durable, le distributeur met les informations relatives à ce contrat à la disposition du souscripteur ou de l'adhérent sur support papier ou tout autre support durable auquel il a facilement accès, immédiatement après la conclusion du contrat. » (Article qui n’est autre que la reprise pour le Code des assurances de l’article L.222-6 alinéa 2 du Code de la consommation).
En effet, les appels étant tous sortants, le courtier ne pouvait pas se prévaloir de la condition « d’un contrat conclu à la demande du client » pour échapper à l’obligation de fourniture des informations précontractuelles.
Il devait donc les fournir par écrit au prospect (combinaison des articles L.222-6 du Code de la consommation et L.521-6 du Code des assurances) avant la conclusion du contrat.
Certains intermédiaires avaient pu passer à côté d’une subtilité, il faut le dire, particulièrement sujette à interprétation (cf. décisions de l’ACPR « SGP » n° 2017-09 du 26 février 2018, et « Provitalia » n° 2018-02 du 15 mai 2019).
Mais la mission de contrôle de l’ACPR a mis au jour que dans la mise en place pratique du processus de souscription, les agissements des téléopérateurs n’étaient en rien conformes au cadre fixé par la réglementation.
L’ACPR a ainsi relevé que :
« dans 70 % des enregistrements analysés par la mission de contrôle, l'adresse électronique, recueillie oralement auprès du client, n’est pas saisie par le téléopérateur dans l’outil extranet ; que dans 20 % des cas, le processus de souscription s'est poursuivi alors que le client, qui avait déclaré ne pas disposer d'une adresse électronique, ne pouvait prendre connaissance des informations qui lui étaient communiquées par cette voie ; qu’ainsi, dans près de 90 % des souscriptions réalisées entre le 1er janvier 2017 et le 8 juin 2018, soit 5 457 souscriptions signées électroniquement et validées par les cellules qualité de Viva Conseil et du courtier B, aucune information précontractuelle n’a été remise sur support durable au client ; que dans les 10 % de souscriptions où la fonctionnalité d’envoi du devis était actionnée, les courriels reçus par les clients ne leur permettaient pas de consulter les documents d’information précontractuelle, au demeurant insuffisants et incomplets, en raison d’un dysfonctionnement affectant l’outil informatique, qui n’a été corrigé qu’en cours de mission ; qu’ainsi, pour l’ensemble des souscriptions intervenues avant juillet 2018, aucune information sur support durable n’a été remise au client avant la conclusion du contrat ».
La commission des sanctions retient que les reproches formulés par l’organe de poursuite de l’ACPR « ne portent pas sur le principe même de la vente à distance en un temps de contrats d’assurance » mais sur les modalités de réalisation, par VIVA CONSEIL, de telles ventes puisque dans les faits, les informations précontractuelles dues aux prospects n’étaient pas fournies par écrit ou sur un autre support durable avant la conclusion du contrat dans près de 90 % des souscriptions.
Un premier grief lié à un défaut de remise par écrit de l’information précontractuelle avant la souscription à distance des contrats d’assurance était donc établi.
S’agissant de la vente à distance de contrats d’assurance par démarchage téléphonique, l’ACPR avait eu l’occasion de dénoncer les pratiques répréhensibles de certains téléopérateurs dans le secteur des assurances notamment ceux recourant à des allégations ou des informations fausses ou de nature à induire les consommateurs en erreur, tout particulièrement en ce qui concerne leur identité et le motif de l’appel (Communiqué de presse de l’ACPR du 9 octobre 2019).
Sans condamner la pratique même de la vente en un temps par démarchage téléphonique, l’ACPR avait appelé les acteurs du marché à corriger leurs pratiques et avait annoncé une poursuite des contrôles.
Dans un avis du 19 novembre 2019, le comité consultatif du secteur financier (CCSF), représentant notamment les distributeurs d’assurance, est allé plus loin puisqu’il s’est clairement positionné pour l’interdiction de la vente en un temps des contrats d’assurance par démarchage téléphonique et a précisé les engagements pris par les distributeurs en cas d’appels sortants, consistant notamment à s’interdire un recueil du consentement du client lors du premier appel et à procéder au recueil de ce consentement uniquement par écrit (Avis du CCSF relatif au démarchage téléphonique en assurance du 19 novembre 2019).
Un second grief a été relevé par la commission des sanctions à l’encontre de VIVA CONSEIL relatif à l’inexactitude et l’insuffisance des informations communiquées.
En effet, la mission de contrôle de l’ACPR a rapporté :
« qu’il ressort ainsi des 20 enregistrements téléphoniques analysés […] que ses téléopérateurs ne sollicitent pas l’accord du prospect pour être autorisés à limiter la liste des informations communiquées ; que le droit de renonciation n’est évoqué, avant la souscription du contrat, que dans 25 % des enregistrements ; que les modalités d’examen des réclamations ne sont évoquées que dans 15 % des cas, l’information communiquée étant en outre limitée à la fourniture du numéro de « service client » ; que le montant de la prime n’est mentionné que dans un seul enregistrement, à la demande du client ; que les modalités de conclusion du contrat, notamment la signature par voie électronique grâce à un code envoyé par SMS, ne sont pas clairement explicitées dans 90 % des cas, de sorte que les clients n'ont pu avoir conscience de s'engager ; […]
que de plus, s’agissant des garanties, la présentation du produit, lorsqu'elle est faite, ne représente en moyenne que 4 % de la durée de chaque entretien avant la souscription ; que dans 20 % des dossiers analysés, l'information délivrée sur le produit est inexistante ou de nature à induire en erreur le client ; que les exclusions ne sont jamais évoquées alors même que certaines relèvent de situations courantes ; que les informations relatives au montant de la prime et au droit de renonciation, pourtant indispensables à l’appréciation des risques couverts et à la délivrance d’un consentement éclairé, ne sont dans la quasi-totalité des cas communiquées que postérieurement à l’engagement de l’assuré ; »
Il résultait des constatations de la mission de contrôle que VIVA CONSEIL était largement défaillante dans l’exécution de son obligation d’information précontractuelle.
Il faut dire que les carences constatées en matière d’information sur le fonctionnement du contrat, son contenu et les droits des clients étaient en réalité massives puisqu’elles trouvaient leur origine dans le script élaboré par l’entreprise…
La commission des sanctions a par ailleurs constaté de graves manquements du courtier à son devoir de conseil en ce qu’il ne recherchait pas d’informations sur l’existence d’autres contrats en cours comportant des garanties analogues à celles proposées, ne tenait compte ni de la situation financière du prospect, y compris lorsque celui-ci signalait des difficultés, ni d’éléments d’où il pouvait résulter des exclusions de garantie, indiquait à tort à certains clients qu’ils pourraient bénéficier de garanties au titre d’une invalidité en cours, ou encore, dans la quasi-totalité des dossiers examinés par la mission de contrôle, faisait souscrire au client la formule la plus onéreuse du contrat.
Pour ces motifs, le courtier a fait l’objet d’une sanction inédite consistant en une interdiction de commercialiser pendant deux mois des contrats d’assurance, directement ou par le biais d’une succursale en France ou à l’étranger ou de toute personne mandatée à cet effet, ce qui, selon l’ACPR ne présente pas de caractère disproportionné.
Sur un ton empreint d’une ironie qu’on ne lui connaissait pas, l’ACPR a cru bon de préciser que cette interruption d’activité « pourra être mise à profit par Viva Conseil pour réviser ses procédures de commercialisation afin de se conformer à toutes ses obligations légales en matière d’information et de conseil du client ».
Les intéressés se le tiennent pour dit, d’autant que l’ACPR peut toujours procéder à un nouveau contrôle pour s’assurer de l’effectivité de la mise en conformité de l’assujetti.