Le devoir de conseil des distributeurs depuis la DDA pour l'assurance non-vie
I- Le devoir de conseil standard.
1. La Directive sur la Distribution d'Assurances, ou "DDA", a introduit une nouvelle terminologie pour définir le conseil au travers de la notion de recommandation personnalisée[1].
Avec la directive "DIA" de 2002, la loi soumettait tous les intermédiaires d'assurance, quels que soient leur statut et le type de contrats distribués, à une obligation précontractuelle de conseil qui fut ensuite adaptée à l'assurance-vie comportant une valeur de rachat et étendue aux assureurs en ce domaine (ancien article L. 520-1 du Code des assurances, devenu C. assur., art. L. 132-27-1) puis étendue par la jurisprudence à toutes les phases du contrat d’assurance.
La DDA a édicté une simple obligation minimale d’adéquation du contrat aux besoins exprimés et prévu une option de conseil entendu comme une recommandation personnalisée.
Rappelons que le devoir de conseil a été dégagé par la Cour de cassation dans un arrêt relatif à un courtier qui n’avait pas été vis-à-vis de son client le « guide sûr et expérimenté » qu’il aurait dû être[2] puis étendu à tous les stades du contrat d’assurance[3].
L’obligation légale de conseil à la charge des intermédiaires n’a été consacrée qu’à la suite de la transposition de la DIA du 9 décembre 2002[4] au sein de l’article L. 520-1 désormais remplacé par le nouvel article L. 521-4 du Code des assurances, lequel constitue donc un mélange entre le précédent régime et la transposition de la DDA.
L’article L 521-4 du Code des assurances dispose ainsi :
« I.- Avant la conclusion de tout contrat d'assurance, le distributeur mentionné à l'article L. 511-1 précise par écrit, sur la base des informations obtenues auprès du souscripteur éventuel ou de l'adhérent éventuel, les exigences et les besoins de celui-ci et lui fournit des informations objectives sur le produit d'assurance proposé sous une forme compréhensible, exacte et non trompeuse afin de lui permettre de prendre une décision en toute connaissance de cause.
Le distributeur conseille un contrat qui est cohérent avec les exigences et les besoins du souscripteur éventuel ou de l'adhérent éventuel et précise les raisons qui motivent ce conseil.
II.- Sans préjudice des dispositions du I, avant la conclusion d'un contrat spécifique, lorsque le distributeur d'assurance propose au souscripteur éventuel ou à l'adhérent éventuel un service de recommandation personnalisée, ce service consiste à lui expliquer pourquoi, parmi plusieurs contrats ou plusieurs options au sein d'un contrat, un ou plusieurs contrats ou options correspondent le mieux à ses exigences et à ses besoins. »
L'article L. 521-4 du Code des assurances prévoit donc une obligation de conseil du distributeur à plusieurs niveaux par rapport à la réglementation précédente :
- un conseil standard applicable dans les tous les cas – et donc obligatoire - pour tous les contrats ;
- et un service de recommandation personnalisée entendu comme une option offerte par l’intermédiaire à l’intention de son client.
L’obligation précontractuelle « socle » de conseil, ou devoir de conseil standard, semble correspondre au devoir de conseil tel qu’il fut dégagé par la Cour de cassation en 1964 puis étendu à tous les intermédiaires d’assurance et assureurs en cas de distribution de contrats d’assurance.[5]
L’idée est de rétablir le déséquilibre de connaissance entre le professionnel de l’assurance et le candidat à l’assurance profane, lequel n’est pas toujours en mesure de connaître précisément ses besoins de garantie ni de comprendre les garanties proposées, ce qui ne le rend pas apte à comparer différentes offres d’assurance présentes sur le marché ni à faire un choix de manière éclairée.
L’ordonnance de transposition a maintenu obligatoire le devoir de conseil précontractuel pour tous contrats d’assurance.
La transposition n’évoque cependant le terme « conseil » que pour le devoir de conseil standard qui met à la charge de l’intermédiaire d’assurance l’obligation :
- de préciser par écrit les exigences et les besoins du client,
- puis lui apporter des informations objectives sur le produit d'assurance proposé sous une forme compréhensible, exacte et non trompeuse afin que celui-ci puisse prendre une décision en toute connaissance de cause, [6]
- et enfin lui conseiller un contrat cohérent avec les exigences et les besoins précisés en indiquant les raisons qui motivent ce conseil.
Il s’agit en tout et pour tout des mêmes étapes du conseil obligatoire introduit par la DIA de 2002 et transposé à l’article L. 520-1 ancien du Code des assurances.
L’ordonnance de transposition n’a donc pas fondamentalement modifié les choses s’agissant du conseil précontractuel obligatoire pour tous contrats d’assurance et la jurisprudence bâtie depuis 1964 ne devrait pas s’en trouver bouleversée.
2. Pour mener à bien son devoir de conseil, la première démarche de l’intermédiaire réside dans le recueil des exigences et des besoins de son client.
Il s’agira de procéder avec son client à un échange – notamment lors de la déclaration des risques - permettant d’obtenir toutes informations utiles à la définition de ses besoins, cahier des charges qui circonscrira l’obligation incombant à l’intermédiaire de conseiller un contrat cohérent.
Comme le preneur ne connaît pas nécessairement ses besoins d’assurance, l’intermédiaire adoptera une démarche active en posant des questions orientées afin de déterminer le contrat et les garanties permettant de répondre au mieux aux attentes de son client.
Une fois recueillies les informations utiles à la détermination des risques à garantir, l’intermédiaire devra reformuler les besoins et fournir par écrit des informations objectives sur le produit d'assurance proposé sous une forme compréhensible, exacte et non trompeuse afin de lui permettre de prendre une décision en toute connaissance de cause.
Il s’agira pour l’essentiel de communiquer le document normalisé d’information.
L’intermédiaire proposera ensuite un contrat cohérent c’est-à-dire répondant au mieux aux exigences et besoins formulés et devra préciser les raisons qui motivent son conseil : il effectuera pour cela un test de cohérence consistant à vérifier que le contrat proposé (nature, garanties, exclusions, ect) correspond aux besoins de son client.
Conformément à un principe de proportionnalité déjà en œuvre sous le dispositif précédent, le devoir de conseil sera adapté à la complexité du contrat d'assurance proposé.[7]
Le conseil sera matérialisé par un écrit recueillant la signature du preneur et permettant à l’intermédiaire de prouver qu’il a bien délivré un conseil, puisque la charge d’une telle preuve lui incombera en cas de litige avec l’assuré.[8]
II- L’option du service de recommandation personnalisée.
La transposition de la DDA prévoit une obligation facultative de conseil plus exigeante sous la forme d’un « service de recommandation personnalisée ».
Le distributeur devra au préalable délivrer au candidat à l’assurance une information sur le niveau de conseil qui lui sera fourni afin de lui permettre d’identifier clairement le type de service qui lui est proposé et devra lui préciser, dans ce cadre, s'il fournit « un service de recommandation concernant les contrats d'assurance qu'il distribue »[9].
A l’obligation de conseil imposée pour tous les contrats s’ajoute donc un service de recommandation personnalisée que le distributeur peut être amené à proposer en plus au client et qui consiste à lui expliquer pourquoi, parmi plusieurs contrats ou plusieurs options au sein d'un contrat, un ou plusieurs contrats ou options correspondent le mieux à ses exigences et à ses besoins (C. Ass., L.521-4 II).
La différence avec le conseil standard est que le distributeur se trouve en situation de présenter au client plusieurs contrats ou options au sein d’un contrat qui tous, sont cohérents avec ses exigences et ses besoins.
Cette circonstance peut exclure de fait certains intermédiaires compte tenu de leur degré de dépendance potentiellement fort avec un fournisseur donné, comme les agents généraux ou autres mandataires d’assurance liés, de sorte qu’ils auront plus de difficultés à effectuer ce service de recommandation personnalisé, voire se trouveront dans l’incapacité de le réaliser.
Dans le cadre d’un service de recommandation personnalisée, l’intermédiaire d’assurance devra donc présenter plusieurs contrats cohérents avec le profil de son client et sélectionner parmi ceux-ci le contrat qui correspond le mieux à son client, tout en motivant les raisons de ce choix.
Les motivations standardisées seront plus difficilement admises.
Dans tous les cas, les précisions décrivant les caractéristiques du contrat proposé doivent être adaptées à sa complexité et doivent ensuite lui être communiquées par écrit, sous une forme compréhensible, exacte et non trompeuse.
[1] Article 20 DDA : « Avant la conclusion d’un contrat d’assurance, le distributeur de produits d’assurance précise, sur la base des informations obtenues auprès du client, les exigences et les besoins de ce client et fournit au client des informations objectives sur le produit d’assurance sous une forme compréhensible afin de lui permettre de prendre une décision en connaissance de cause.
Tout contrat proposé est cohérent avec les exigences et les besoins du client en matière d’assurance.
Lorsque des conseils sont fournis avant la conclusion d’un contrat spécifique, le distributeur de produits d’assurance fournit au client une recommandation personnalisée expliquant pourquoi un produit particulier correspondrait le mieux à ses exigences et à ses besoins.»
[2] Civ. 1ère 10 nov. 1964, JCP 1965 II 13981.
[3] Civ. 2ème, 5 juill. 2006, n° 04-10273.
[4] Dir n° 2002/92/CE du PE et du Cons., 9 déc. 2002, sur l’intermédiation en assurance.
[5] Cette obligation est étendue par la DDA aux assureurs pour les contrats non vie ce qui n’était pas le cas avec la DIA de 2002 qui ne prévoyait de devoir de conseil à la charge des assureurs que pour les contrats vie : la DDA est donc venue mettre sur le même plan assureurs et intermédiaires face à leur devoir de conseil.
[6] Il s’agira notamment du document d’information normalisé.
[7] C. ass., L. 521-4 III.
[8] Voir par ex. Civ. 2è, 17 nov. 2016, n° 15-14820.
[9] C. Ass. L521-2 I.